HISTOIRE

Je me trouvais sur un siège en cuir noir, avec une cigarette à la main ainsi qu'un air sombre perlant mes yeux. Mes cheveux étaient en bataille et mes habits d'un noir immaculé. Voilà la description que je constata à l'instant où je recouvra la mémoire.

« Papa , me laisse pas tout seul, j'ai peur des monstres cachés sous mon lit ! » Dis un enfant avec sincérité. « Maman est là pour te protéger, fils, dors bien. »
Je perdis ma mère à l'âge de 9 ans. Celle-ci était mariée avec mon père depuis environs 15 ans, et ils étaient fous amoureux. Seulement, son travail avait des conditions déplorables. Elle était une simple femme de ménage, et pourtant elle se faisait régulièrement frappée par son patron. Pourquoi n'as-t-elle rien dis ? Tout simplement parce que c'était le seul boulot qu'elle était apte à faire, et qu'elle avait trouvé après avoir accouché. Et elle ne voulait pas laisser la tâche difficile à mon père de tous nous nourrir, tous les 3. Bientôt 4 . Elle attendait une petite fille, et elle en était très heureuse. Mon père et moi un peu moins, de savoir qu'il y allait avoir une râleuse de plus dans la maison. Bien sûr c'était plus qu'ironique lorsqu'on faisaient cette remarque. Evidemment, comme vous vous en doutiez, rien ne se passa comme prévu. Un jour, le téléphone retentit. Nous pensions que c'était ma mère qui nous appelaient pour nous dire de venir la chercher à son travail car elle perdait les eaux. Oui, elle travaillait, même enceinte. Ca aurait été un peu tôt, mais elle aurait eu un enfant prématuré, rien de plus. Elle était moins productive, mais elle travaillait . Son patron ne voyait que l'argent et la poussait à bout, même pendant sa grossesse.
Ce n'était pas ma mère, ni même l'hôpital. « Allo ? Inspecteur Chambry à l'appareil. Nous avons retrouvés la dépouille de votre femme dans une maison qu'elle nettoyait. Un médecin est venu l'examiner, et je suis désolé mais l'enfant est aussi décédé, suite à des coups portés en bas de son ventre. Il y a eu une hémorragie interne. » Un rictus se forma sur le visage de mon père, puis il s'effondra. Je compris tout de suite ce qu'il s'était produit. Enfin, pas en détail, mais je n'avais pas besoin de demander à mon père que je savais que ma mère n'était plus de notre monde. Je partis de la pièce, et alla m'enfouir dans mon placard, me retrouvant en boule dans le sombre, comme un enfant sans repères. De 4, nous étions passés à deux. Qui avait dis : Diviser pour mieux régner ? C'est un salopard, -Pardonnez mon langage- Non pas celui qui avait inventé ce dicton, mais celui qui avait mis fin aux jours des deux premières femmes de ma vie. Je voulais me venger, et j'avais la hargne. Cet homme était répugnant , et il me le paierait un jour ou l'autre, quitte à utiliser les pouvoirs de Benoth. Je le chercherais à la trace, le trouverais et mettrais fin à ses jours le plus rapidement possible.
Mon père perdit quelque peu la tête après la mort de ma mère, mais heureusement j'étais là pour m'en occuper. Il commençait à laisser son travail de côté, c'est moi qui ai convaincue son patron de ne pas le virer en lui expliquant la cause -il ne parlait plus à l'époque- . Sa nouvelle ex-compagne voulait porter plainte contre lui pour insultes et diffamation, je l'en empêcha en lui donnant de mes économies. Il ne faisait plus à manger, je m'en occupais seul. Nombre d'enfants prendraient ça comme une chose horrible, mais moi j'aimais m'occuper de mon père. Je me prouvais que je grandissais et que plus tard je serais capable d'affronter toutes les situations possibles.

« Je peux aller voir Jessica , papa ? » Un hochement de tête significatif d'un oui. « Tu devrais prendre l'air. » Un claquement de porte suivit. En vérité, je n'avais pas besoin de son accord pour pouvoir sortir, mais il savait que lorsque je lui demandait ça, c'était pour savoir si ça allait. J'avais tout de même 18 ans. D'ailleurs c'est à cet âge là que je commença à fumer. Je n'avais rien comme élément déclencheur, mais j'avais besoin de me sentir grand et enfin libéré de mes problèmes. Mon père était déjà fier de moi, j'allais entrer dans une fac très réputée, et j'allais suivre son tracé. Je voulais devenir éditeur. Ma copine, Jessica était un peu pimbêche, mais je l'aimais. Elle était drôle et ... non elle n'avait pas tant de qualité que ça à part avoir un physique hors-norme que tous les mecs désiraient. Ils m'enviaient, mais à l'époque je ne savais pas pourquoi. Et puis arriva un jour où cette fameuse Jessica devint un poison ambulant. Elle commençait à me ronger et à me tenir en laisse. Elle me menaçait même de raconter n'importe quoi à mon sujet aux autres. Je lui en voulais d'être si possessive, et rompu avec elle. Elle avait une qualité : elle tenait parole. Le lendemain je me faisais huer par tous les autres étudiants; elle avait raconté que je l'avais tabassée , et c'est d'ailleurs à ce moment que je vis qu'elle s'était infligée des blessures elle-même. Maso sur les bords ? Sans doute. Bref, j'en parla à mon père et il me changea d'établissement avec mon accord, pour pas que la rumeur me suive trop loin.
Je m'inscrivis alors à l'université de Gettysburg. Je pensais que tout allait s'arranger, mais je tomba sur la plus maléfique créature que l'on peut rencontrer : la femme parfaite. Oui j'avais peur de m'engager encore une fois avec une fille pour qu'elle me refasse une pareille crasse. Au bout d'un an, à force de se tourner autour, on finis par sortir ensemble. L'amour était tout nouveau mais déjà puissant. Au fur et à mesure, je me rendis compte que je m'étais attaché à elle plus qu'à n'importe qui. Mon amour était grandissant de jours en jours
Et voilà. Arriva un jour où je fus la proie d'un démon. Des forces que j'ignorais encore et pourtant qui existaient belles et bien. Le jour de l'anniversaire de Pandora, le démon profita d'une dispute entre nous pour faire croire à ma mort par accident de voiture.
Pendant 4 ans, je dus me faire aux horreurs que Succor infligeait à mon conscient. Et pendant 4 ans aussi, j'apprenais à reprendre le dessus sur ce satané démon. Donc, il m'arrive, comme aujourd'hui, à me rappeler de tout. Même de tous mes souvenirs, chose qui n'était pas arrivée depuis ces 4 années . Succor est un démon assez puissant pour s'emparer de mes souvenirs, ou du moins les enfouir au plus profond de moi. Il ne cherche pas à ce que je les oublis , mais juste à ce qu'il l'aide dans sa quête des élus. Il veut s'en servir au bon moment. Les élus? Je ne sais pas plus ce que c'est en réalité. Je suis un peu inculte sur ce sujet : tous ces démons, leurs pourchasseurs, et ces anges ... Une chose me rend serein , Pandora ne risque pas d'être attaquée par Succor par le biais de mon être puisqu'elle est "normale".
J'avais un sentiment de perte de moi-même lorsque je me fis "enlever" par ce démon. J'avais perdu ma moitié, et le seul être qui pouvait me comprendre c'était bien elle. Comme beaucoup de personnes, je pouvais perdre la raison assez facilement lorsque j'étais trop loin de l'être aimé. J'avais vu ce que mon père avait enduré, et je savais que pour tenir, il me fallait quelque chose de solide. Comme les moments que l'on avaient passés ensemble, ou bien les instants que j'aurais pu partagé avec elle pendant ses quatre années. Voilà ce qui me faisais tenir : le fait de me faire des films. Beaucoup de films. je m'imaginais dans ses bras, heureux à souhait et comblé.

Ma belle, ma tendre, ma chair, ma moitié.
Aujourd'hui, j'écris une lettre qui t'es destinée. Oui, je me suis rappelé de mon passé, et de toi, mon amour. Je te revois comme si c'était hier. J'écris cette lettre, pour que demain je me rappelle la même chose qu'aujourd'hui sur ce passé; et ainsi que je reprenne le dessus sur le démon qui me visite en ce moment. Ca fait 4 ans, quatre longues années, et pourtant je me suis juré de venir te rencontrer, et tout t'expliquer. J'ai enfin compris que des chasseurs étaient à la poursuite de Benoth, et je n'ai pas peur de mourir . En fait, je ne sais pas ce que sera mon sort si on tue le démon. Mais je m'en fiche, tant que j'aurais réussi à te parler mon ange.
Derek.

« Alors comme ça, Pandora était ta petite amie ? Intéressant ... Je sens que ça va être bientôt ton jour de gloire Succor ! » Un rire machiavélique suivit ... Le démon tira une dernière taffe sur la cigarette, et l'écrasa avec son pied.
L'expression qui était sur mon visage ne faisait ressentir aucuns sentiments, ni de haine, ni d'amour. Benoth était fort pour ça, pour camoufler et dissimuler les sentiments. Cependant, je n'oublie pas que moi aussi, je peux jouer de lui.